« Tout architecte peut faire un bel objet industriel. Mais l’important est que l’enveloppe procure une émotion.»
Chef d’œuvre à ciel ouvert miroitant de toutes ses facettes, Caïman s’impose comme une sculpture monumentale.
Ses écailles reflètent la lumière, le ciel et la terre au gré des heures et des saisons. Habillé de couleurs naturelles, le bâtiment devient vivant, se fond dans l’environnement, participe au paysage dans son évolution diurne et nocturne.
Cette enveloppe de métal traduit une seule et même quête architecturale : Celle de la contemplation.
Les usines d’incinération des ordures ménagères ont beau avoir été rebaptisées du nom moins inquiétant de “centre de valorisation énergétique”, elles suscitent des oppositions de riverains de plus en plus fréquentes. Pour mieux les faire accepter, leur qualité architecturale apparaît comme un atout. Car il existe un risque de réel blocage lié au syndrome NIMBY (“not in my back yard”), venu d’Outre Atlantique et désormais bien implanté en France. Ou comment le traitement des déchets doit toujours être réalisé ailleurs, loin de chez soi… C’est un phénomène auquel il a fallu se confronter pour réaliser à Calce, près de Perpignan, un centre de valorisation énergétique de 22 tonnes/heure. Lauréats d’un concours de conception réalisation aux côtés de Cydel (Groupe TIRU), les architectes Luc Arsène-Henry Jr et Alain Triaud ont proposé de rapporter devant les façades ondulantes de leur projet de bâtiment un habit de bandes métalliques aux lignes plus fluides encore. “L’usine doit être belle car elle constitue la preuve que la société s’occupe de vous. Il n’est plus nécessaire qu’elle exprime la vocation industrielle car la technicité est désormais un dû : une voiture de sport ne montre pas son moteur, mais ses courbes.”
Adossé contre le rocher, le nouveau centre s’étire sur 1500 m de long, entre évocation de vestiges et grand geste artistique. L’inox anodisé de couleur champagne qui a été finalement choisi aide à fondre le bâtiment dans la terre ocre de la garrigue, contribuant ainsi à mieux faire accepter son implantation. De façon à rappeler la géologie locale, le site a aussi été aménagé avec la réalisation de remblais architecturés et d’un soubassement en béton brut. Des plantations ont fait le reste.
Avec 10 000 m² de bardage posé, la mise en œuvre d’inox coloré représente une première par l’échelle. La coloration de la tôle, d’une épaisseur de 0,5 mm, a été effectuée par bain, dans un procédé électrolytique.
Le sous-traitant qui a façonné les tuiles a mis au point avec l’architecte les cent modules nécessaires d’une taille moyenne de 950 x 600 mm. Cette exécution a été faite en usine de manière à éviter les risques de déformation.
Sur le chantier, un support modulaire en acier galvanisé a permis de fixer ce kit de précision avant de monter l’ensemble sur l’ossature secondaire de la façade. Les écailles sont posées à recouvrement sans vis apparente, dans un sens qui ne laisse pas de prise au vent. A signaler déjà l’orientation sud-est/nord-ouest du bâtiment, choisie en fonction des vents pour minimiser son impact sonore.
Le coût de cet habillage est compensé par la réduction de la surface d’emprise du centre, obtenue par une spatialisation étudiée du process. La disposition de celui-ci dans la pente évite que l’usine qui le cache dépasse la ligne de crête. Même l’émergence de la cheminée a été réduite à 3 m au dessus du bâti, de façon à ne pas rappeler aux riverains l’idée de pollution à laquelle cet élément industriel renvoie.